Publié le

Dans la bibliothèque de…Baptiste

Nous continuons la série estivale d’entretiens avec les bibliophiles de l’occulte. Cette semaine c’est Baptiste qui vient nous présenter sa passion pour l’alchimie et les livres qui s’y rattachent. Faites chauffer le four et tinter les cornues ! 

Comme d’habitude vous pouvez venir en discuter sur la page facebook de la librairie

 

Baptiste vous accordiez il y a quelques années un entretien au blog du bibliophile pour présenter votre bibliothèque alchimique  tout juste naissante, depuis lors comment votre collection a-t-elle évoluée ?

Cette première interview date de décembre 2011, le temps passe vite (trop vite !). Je commençais tout juste dans la bibliophilie, 6 ans après, à 40 ans, ma collection à, au final, peu évolué : dès le départ j’ai fait le choix de la qualité et de la rareté. Et même si ce n’est pas toujours facile côté budget, j’essaye de m’y tenir.

Je suis toujours spécialisé en alchimie, en revanche  je  m’intéresse de moins en moins à l’occultisme ou la démonologie même si j’ai encore quelques ouvrages dans ces domaines acquis à mes débuts.

J’ai envie de me diversifier tout en gardant une certaine logique dans ma collection, avec des ouvrages de spiritualité, philosophie, métaphysique et même utopie.

 J’ai au final peu de livres mais ils sont rares pour la plupart (du XVI au XXème), et par conséquent assez cher, d’où aussi l’envie de me diversifier. Je privilégie toujours le contenu mais suis de plus en plus  sensible à l’état général de l’ouvrage : le maroquin reste magnifique mais je deviens de plus en plus sensible au vélin (cela fera plaisir à un de vos confrères libraire du Vésinet !).

J’adore aussi acheter des ouvrages en mauvais état et les faire relier quand le contenu m’intéresse et quand j’ai le budget, je le fais beaucoup plus souvent qu’avant : ce n’est pas un choix toujours facile à prendre : acheter un nouvel ouvrage ou en faire restaurer un ? En ce moment j’ai fait le choix de restaurer ! Et pour cela, il m’arrive de temps en temps de vendre quelques ouvrages de mes débuts (chose impensable il y a encore quelques temps) !

Chose toute nouvelle pour moi, j’ai participé à ma 1ère vente aux enchères cette année, celle de la bibliothèque Eric Gruaz. J’aurai bien aimé remporté un petit ouvrage pas cher (pour avoir un souvenir) : j’ai trouvé sa bibliothèque intelligente même si au final il lui manquait des ouvrages majeurs en alchimie ! Mais j’ai mal enchéri et pas toujours sur les bons livres, c’est comme cela que l’on apprend !

Comme je le disais, je recentre ma collection. L’alchimie est aussi et surtout une ascèse, et une voie spirituelle, l’alchimie de soi-même. Alors des ouvrages où il est question de philosophie universelle, d’humanisme, sur la conduite de l’homme au quotidien, tant au sein de la société, que de la famille ou dans sa relation au Divin m’intéresseront toujours.

Est-ce que votre passion pour l’alchimie déborde le domaine des livres ? (objets, voyages, cabinet alchimique secret à la cave ? )

Oui cette passion déborde !!! Je suis tombé dedans tout petit comme Obélix. J’ai fait des stages d’alchimie et de spagyrie. C’est fondamental la pratique pour bien comprendre les textes et inversement, et c’est du concret. J’ai pratiqué la voie des Aigles dont parle Fulcanelli notamment. J’ai encore du matériel à la cave : mon four alchimique et quelques creuset et même encore un peu d’antimoine (stibine) ! Mais aujourd’hui c’est la Voie interne, transcendantale qui m’intéresse. Je reviendrai à la pratique surement à la retraite !

Et j’aime de plus en plus le côté cabinet de curiosités : je possédais déjà un diodon et un œuf d’autruche et j’ai investi dans quelques coquillages dernièrement, je pense que c’est quelque chose dans lequel je vais investir davantage dans les années qui viennent. J’ai donc aussi quelques objets de décoration à caractère alchimique (alambics, bibelot, dessins…) et j’ai participé à des voyages « alchimiques » : l’Egypte restera à jamais gravé dans mon cœur.

Nos domaines de collection alimentent souvent les fantasmes, quelle est la réaction des gens à qui vous présentez votre bibliothèque ? Des anecdotes ?

Pour ceux qui me connaissent bien, cela ne les surprends pas, et mes livres sont à leur disposition dans une petite vitrine (elle commence à être trop petite !). C’est moi qui suis souvent surpris car ils n’osent pas trop y toucher ! Ils trouvent ma vitrine très jolie et intrigante, mais ils manquent de curiosité et l’alchimie ou l’ésotérisme fait encore peur de nos jours…C’est dommage.

Comme beaucoup de collections je pense (peut-être moins pour l’Art et la peinture en particulier), les gens ne comprennent pas le prix de certains ouvrages. C’est souvent la remarque que l’on me fait, « c’est très cher »…Je considère mes livres comme des œuvres d’arts, certains sont digne d’un Van Gogh à mes yeux et sont vraiment rares, mais ils n’atteindront jamais le prix d’un tableau de maître. D’autres n’ont aucune valeur marchande (livre de famille par exemple) mais j’y attache la même valeur.

Une petite anecdote à ce sujet au passage : une amie geek, souhaitait acheter le dernier I phone à la mode dernièrement, je lui ai dit qu’avec son budget je pourrai m’acheter un livre ancien et en faire restaurer un…elle a pris conscience que tout était donc relatif !

Aux Portes Sombres nous nous intéressons peu à l’alchimie (d’autres confrères s’en occupent bien mieux), de l’extérieur c’est une boite bien hermétique dans laquelle il semble difficile de pénétrer. Par où conseilleriez-vous aux lecteurs de commencer ?

 C’est une question difficile…Et je crois que c’est l’alchimie qui m’a choisie, et qui nous choisis. Pour moi ça a commencé jeune avec les ouvrages de Fulcanelli et de Canseliet, et  mes premiers stages spagyriques. Si je devais conseiller les lecteurs je déconseillerai de commencer par les Fulcanelli, mais par des ouvrages plus généraux, plus simple. Et aujourd’hui grâce à internet, l’alchimie se démocratise de plus en plus.

Il faut donc être curieux, aimer lire, et voir cela comme un jeu de piste, il ne faut pas se décourager…

L’Alchimie est un domaine assez particulier dans ésotérisme, elle encourage un incessant aller-retour entre l’esprit et la matière. Entre considérations pré-scientifiques et cheminement initiatique. Si Lavoisier a laissé les cornues aux chimistes, il a permis le développement d’une alchimie spirituelle, plus mystique. Quelle alchimie vous intéresse ?

L’alchimie interne bien sûr, où il est question de se trouver et de se transmuter soi-même, la Pierre philosophale c’est nous en définitive. Comme disent les anciens Maîtres alchimistes : «  la noblesse de l’œuvre requiert la noblesse de l’oeuvrant, si ton âme est d’un rustre, c’est en vain que tu peux prétendre au Magistère ». Et d’ailleurs l’alchimie véritable, ou l’initiation véritable, c’est l’initiation de soi-même par soi-même…et pour reprendre cet incessant aller-retour entre l’esprit et la matière, « il faut que le Corps devienne Esprit et que l’Esprit devienne Corps, c’est la solution de l’Oeuvre. »

De quelle façon votre bibliothèque vous a transmuté ?

Certains soirs ou certaines nuits, lorsque le ciel bavard n’a que moi pour lui raconter ses secrets, j’adore devant un verre de vin (breuvage alchimique par excellence, savoir « transformer l’eau en vin » est une étape majeur dans le processus alchimique justement) prendre un ouvrage d’époque et lire un passage dans mon fauteuil dédié. Au fil des années je me suis aperçu que certaines révélations m’étaient faites ainsi parfois pendant ma lecture, ou pendant mon sommeil.

Un ouvrage dont vous aimeriez nous faire la fiche ? Quel nom donneriez –vous à votre bibliothèque ?

 C’est très difficile, je les considère tous comme mes enfants,  je les aime tous.  J’ai quelques ouvrages de Stanislas de Guaita, c’est toujours émouvant de se dire qu’il a touché, annoté et lu l’un de ses ouvrages. Je possède « Dieu est l’amour le plus pur » d’Eckartshausen avec une note manuscrite de Stanislas de Guaita concernant sa trisaïeule, c’était son livre de chevet !

Si je devais donner un titre à ma collection, je l’appellerai : « bibliothèque d’un mystique moderne » ou « rencontres avec l’insolite ».