
Voici un texte intéressant lu dans l’ouvrage du Professeur K. Hostettmann « Tout savoir sur les plantes qui deviennent des drogues », Favre, 2002.
Les Onguents des sorcières livrent enfin leurs secrets
« Les quatres plantes les plus utilisées par les sorcières ont fait l’objet de nombreuses investigations phytochimiques. Elles se caractérisent toutes par la présence d’alcaloïdes du type tropane. L’alcaloïde principal est l’atropine qui fut isolée pour la première fois en 1819. Mais il a fallu attendre jusqu’en 1883 pour connaître se formule chimique et jusqu’en 1959 pour en déterminer la configuration absolue (Hesse, 2000). L’atropine s’avéra être un mélange racémique de (-)Hyoscyamine et de (+)Hyoscyamine. Elle est formée pendant le séchage de la plante car lorsqu’elle est fraîche, elle contient surtout de la (-)Hyoscyamine. Un autre alcaloïde important est la scopolamine qui est moins toxique que l’atropine, mais plus lipophile. De ce fait, elle aura plus d’affinité pour le système nerveux central et passera plus facilement la barrière hémato-encéphalique. La présence de ces deux alcaloïdes dans les plantes utilisées par les sorcières permet d’expliquer scientifiquement pourquoi elles volaient sur le manche d’un balai.

Pour la préparation du sabbat, les sorcières appliquaient l’onguent contenant les extraits ou jus pressés des plantes dans la graisse de porc ou d’oie sur toutes les parties du corps dénudé par massage et friction. De nombreux peintres ont reproduit de telles scènes souvent empreintes d’un certain érotisme, comme par exemple Francisco Goya (1746-1828), Albrecht Dürer (1471-1528), Hans Holbein le Jeune (1497-1543) et bien d’autres encore (Kaufmann, 2000). Les sorcières ont dû savoir exploiter judicieusement le pouvoir de ces plantes car on sait aujourd’hui que la combinaison des alcaloïdes de ces plantes avec la graisse ou l’huile en facilite l’absorption par les conduits de transpiration et par les orifices du corps comme le vagin ou le rectum. Les sorcières appliquaient l’onguent sur la peau de tout le corps, mais se frottaient sous les aisselles et en introduisaient dans le vagin et l’anus (Müller-Ebeling et al. , 2001). On sait aussi qu’elles en enduisaient le manche du balai avant de le chevaucher. Bien qu’étant partiellement habillées, les sorcières ne portaient pas de sous vêtements. Le contact de la vulve avec le bâton graissé permettait aux alcaloïdes, et en particulier à la scopolamine plus lipophile, de pénétrer rapidement dans le circuit sanguin via les muqueuses vaginales, puis de gagner le cerveau. L’atropine plus toxique pénétrait plus difficilement. Ce mode d’application original évitait le passage par le système gastro-intestinal réduisant sensiblement, voire supprimant ainsi les risques d’intoxication. L’absorption par voie orale de ces mélanges de plantes aurait, à coup sûr, tué ces sorcières. Selon les doses, la scopolamine provoque des hallucinations avec la sensation de lévitation, la sensation de voler !«

film de
Guillaume Radot